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HISTORIQUE

Le diéthylstilbœstrol et ses indications

Naissance d'un médicament

Le diéthylstilbœstrol ou D.E.S., synthétisé par Dodds aux Etats-Unis en 1938, a été commercialisé en France pendant une trentaine d'années, de 1948 à 1977, sous les noms de Distilbène® et Stilbœstrol-Borne®. Il s'agit d'un œstrogène de synthèse non stéroïdien qui a été prescrit au départ aux femmes enceintes présentant une menace de fausse couche ou ayant déjà fait une ou plusieurs fausse(s) couche(s). Il était prescrit à celles-ci car il avait été constaté que le taux des œstrogènes dans les urines diminuait en cas de menace d'avortement précoce et il en a été conclu que la raison des fausses couches était un déficit en œstrogènes.

Les indications

Comme on l'a déjà dit, le D.E.S. était prescrit au début pour prévenir les avortements spontanés précoces et pour traiter les hémorragies gravidiques. Puis, les indications ont été élargies à un grand nombre de complications de la grossesse :

II a aussi été prescrit dans le traitement des stérilités.

 

Notice de l'époque

Pharmacologie

Le diéthylstilbœstrol se présentait sous forme de comprimés rosés de cinq milligrammes et de comprimés verts de vingt-cinq milligrammes. Les doses allaient de cinq à cent vingt-cinq milligrammes par jour et les durées de traitement étaient très variables.

Le schéma posologique moyen prôné par 0. et G. Smith comportait des cures répétées à doses progressives de cinq à cent vingt-cinq milligrammes par jour de la sixième à la trente-cinquième semaine d'aménorrhée.

 

Les différents événements autour du D.E.S.

Synthétisé par Dodds en 1938, ce n'est que cinq années plus tard, en 1943, qu'est publiée la première évaluation clinique portant sur 23 femmes. Elle proposait le diéthylstilbœstrol comme traitement préventif et curatif des fausses couches et des grossesses à risque du fait de l'hypothèse d'une origine hormonale des fausses couches.

En 1946, le diéthylstilbœstrol apparaît pour la première fois dans la littérature médicale.

En 1953, à Chicago, Dieckmann effectue une étude randomisée en double aveugle à partir d'un groupe de 840 femmes traitées par le diéthylstilbœstrol et d'un groupe de 800 femmes témoins. Il en conclut que le diéthylstilbœstrol est inefficace dans la prévention des fausses couches du premier trimestre. Ses conclusions passeront inaperçues pour de multiples raisons notamment commerciales.


Le danger de ce traitement est connu en 1971 grâce au gynécologue américain Herbst. Suite à l'observation de sept cas de cancers à cellules claires du vagin chez des jeunes filles de 15 à 22 ans au Vincent Mémorial Hospital de Boston, il établit la relation entre la prise de diéthylstilbœstrol et l'adénocarcinome à cellules claires du vagin survenant chez les filles de femmes |ayant absorbé ce médicament durant leur grossesse.

Cette même année, aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration interdit la prescription du diéthylstilbœstrol pour ses indications obstétricales. Simultanément, est mis en place un registre des cancers à cellules claires du vagin liés au diéthylstilbœstrol.


Ce n'est qu'en 1974 que Jeanine Henry-Suchet fait la première communication française sur des cas d'adénose vaginale secondaire à l'exposition au diéthylstilbœstrol in utero chez les jeunes filles.


En 1975, Barrat publie un des premiers cas français d'adénocarcinome à cellules claires du vagin.

En 1976, en France, l'indication " avortements spontanés à répétition " pour le Distilbène® est supprimée dans le Vidal.

Il faut attendre 1977 pour que le diéthylstilbœstrol soit mentionné "contre-indiqué chez la femme enceinte " dans le Vidal. Aux Etats-Unis, Kauffman fait la première description des anomalies utérines suspectées d'être |liées à l'exposition au diéthylstilbœstrol in utero.

En 1978, l'enquête de Brackbill reprend l'étude de Dieckmann faite en 1953. Il constate que le diéthylstilbœstrol n'a aucune action bénéfique dans les grossesses à risque et son utilisation provoque une augmentation statistiquement significative du taux d'avortements spontanés tardifs, des accouchements prématurés et des morts néonatales.


En 1981, Herbst détaille les accidents pergravidiques fréquents chez les filles exposées au D.E.S. in utero.


En France, Anne Cabau lance une des premières enquêtes sur le traitement par diéthylstilbœstrol et ses conséquences sur la reproduction par l'intermédiaire de la Mutuelle Générale de l'Education Nationale. Elle décrit les accidents pergravidiques qui sont plus fréquents chez les filles exposées au D.E.S. in utero et effectue la première publication française sur les anomalies utérines en 1982.

En 1984, l'enquête du collège national des gynécologues-obstétriciens français portant sur 57 patientes dont l'exposition au diéthylstilbœstrol est sûre confirme les résultats publiés par Herbst en 1981.

|En 1988, Herbst montre que la stérilité est plus fréquente chez les filles exposées au D.E.S. in utero.

En 1989, le Ministère de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale publie une brochure réalisée avec le concours de spécialistes. Elle a été distribuée gratuitement à tous les médecins généralistes, pédiatres et

gynécologues-obstétriciens pour qu'ils prennent conscience de ce problème de santé publique que représentent les effets iatrogènes de la prise du diéthylstilbœstrol pendant la grossesse.


En 1990, pour la première fois en France, une " fille-D.E.S. " engage une action contre UCB Pharma, le laboratoire belge qui a fabriqué et distribué le diéthylstilbœstrol. Aujourd'hui, l'affaire est toujours en cours. Depuis, six nouvelles procédures ont été déposées devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre afin que soit reconnue la responsabilité civile d'UCB Pharma et qu'un expert soit nommé afin d'évaluer les préjudices et d'indemniser les victimes.

En octobre 1994 est créée l'association Réseau-D.E.S. France. Membre de D.E.S. Action International, elle rassemble les personnes bénévoles concernées par le D.E.S.

Ses objectifs sont d'INFORMER pour organiser la prévention et établir le diagnostic précoce des complications, de SOUTENIR par un solide réseau de solidarités en apportant à chacun un soutien attentif et efficace, de COOPERER avec les professionnels et les responsables de la santé, les groupes D.E.S.-action dans le monde et des associations partenaires, pour échanger et faire circuler les informations.

Elle s'est dotée d'un conseil scientifique en mars 1999 qui a pour rôle |notamment d'évaluer les connaissances et l'évolution des thérapeutiques. (ANNEXE II)

En France, le nombre de grossesses pour lesquelles le diéthylstilbœstrol a été prescrit est estimé à 200000 de 1950 à 1977. En tenant compte des avortements et de la mortalité périnatale, 160000 enfants sont nés de ces grossesses soit 80000 filles et 80000 garçons. C'est entre 1965 et 1975 qu'il a été le plus prescrit. Les conséquences qui portent essentiellement sur la fécondité et la grossesse se font donc particulièrement sentir depuis 1990 et dureront jusqu'en 2010, puisque ces jeunes filles souhaitent à leur tour avoir des enfants.